La relocalisation
La relocalisation est un dispositif ambitieux d’adaptation aux risques littoraux et aux changements climatiques, qui consiste à déplacer préventivement les activités et les biens sur le territoire afin de les mettre à l’abri des aléas.
Après un travail approfondi avec les communes de Lacanau, La Teste-de-Buch et Labenne, le GIP Littoral a transmis en 2015 ses conclusions sur la faisabilité de la relocalisation au Ministère de l’Écologie, pilote d'un appel à projets national sur la relocalisation des activités et des biens.
Retour sur une démarche innovante et présentation des principaux résultats
La réponse à cet appel à projets national était une des actions prévues pour mettre en œuvre la stratégie régionale de gestion de la bande côtière, dès 2012. Les acteurs aquitains se sont fortement mobilisés pour étudier la faisabilité d’une relocalisation, notamment les communes de Lacanau (33), la Teste-de-Buch (33) et Labenne (40) au regard de leur situation problématique liée au recul du trait de côte (érosion marine et avancée dunaire). Elles ont donc souhaité participer aux côtés du GIP Littoral à une réponse coordonnée pour l’ensemble du littoral régional. Le portage de la démarche s’est matérialisé sous la forme d’un binôme GIP Littoral – collectivités permettant de combiner une réflexion méthodologique menée au niveau régional et réflexion concrète de terrain au niveau des 3 sites. Dans ce projet réalisé entre début 2013 et juin 2015, le GIP Littoral était le maître d’ouvrage du volet régional, le coordinateur de la démarche et le référent national et chacune des trois collectivités restait le pilote de son projet local.
Les trois sites ont été retenus pour leur complémentarité et leur représentativité des situations rencontrées sur le littoral régional. L’objectif principal de la démarche était de faire émerger pour chacun des sites un projet de relocalisation d’activités et de biens adapté aux situations locales et qui permette de transformer la contrainte physique de l’érosion en une opportunité d’adaptation aux nouveaux enjeux du développement durable.
Lacanau : une impasse locale entre protection et relocalisation
Le site - atelier de Lacanau constitué du front de mer de la station balnéaire est une des « unités principales d’aménagement » prévue par la Mission Interministérielle d’Aménagement de la Côte Aquitaine (MIACA). Elle a donc fait l’objet d’un développement touristique important initié par l’État dans les années 80. Au travers d’une réflexion prospective participative, a été étudié l’opportunité et la faisabilité d’une relocalisation du front de mer sous la forme d’une réorganisation urbaine à long terme. Pour mener à bien cette réflexion, il a aussi été réalisé en parallèle un travail technique sur le dimensionnement d’actions de lutte active (rechargement en sable et enrochements) permettant de sécuriser transitoirement le front de mer jusqu’en 2040-2050.
L’important travail réalisé en collaboration avec la Mairie de Lacanau et l’appui des bureaux d’études AsCA, Eréa-conseil, QUADRA, ISL et CASAGEC a permis d’élaborer trois scénarios ambitieux et souhaitables de relocalisation et un scénario de protection et d’identifier les principaux blocages opérationnels, réglementaires et financiers pour leur mise en œuvre. Le site de Lacanau a ainsi permis de révéler que le problème n°1 de la relocalisation est qu’on ne sait pas déconstruire préventivement les biens menacés d’érosion sur les côtes sableuses car il n’y a ni obligation du propriétaire de le faire, ni dispositif opérationnel pour la puissance publique, notamment du fait de l’inégibilité de la procédure d’expropriation pour risque naturel majeur au recul du trait de côte pour les littoraux sableux. Par ailleurs, les montants financiers liés aux acquisitions, la complexité du dossier et des procédures tant d’un point de vue administratif que technique… ne permettent pas aux acteurs locaux de porter seuls un projet de relocalisation de cet ampleur à Lacanau.
La Teste-de-Buch : vers une recomposition de l’offre touristique
Le site - atelier de la Teste-de-Buch concerne les 5 campings de la commune situés derrière l’emblématique dune du Pilat et soumis à une inexorable avancée dunaire et/ou une érosion marine sous l’effet du mouvement des passes du bassin d’Arcachon. Le projet de relocalisation ambitionne la réimplantation sur le territoire d’activités économiques et de capacités d’hébergements indispensables au fonctionnement touristique pour compenser à moyen - long terme cette perte inéluctable.
Les études réalisées à La Teste-de-Buch ont permis d’une part d’améliorer le niveau de connaissance de l’aléa et donc de clarifier les enjeux de relocalisation, et d’autre part d’identifier 3 images contrastées de développement touristiques pour compenser cette perte annoncée. La menace pour les activités économiques n’étant avérée qu’à long terme (il devrait rester 75% des surfaces des campings en 2040) cela devrait permettre de disposer de suffisamment de temps pour organiser une évolution des caractéristiques des hébergements dans une logique d’adaptation de l’offre aux nouvelles pratiques touristiques.
Labenne : la difficile réimplantation des commerces
Le site - atelier de Labenne est un « plan-plage » emblématique du littoral aquitain et de l’action de la MIACA aujourd’hui menacé par l’érosion marine. Le projet de relocalisation vise dans le respect du schéma régional plan-plage à repositionner les équipements d’accueil touristiques (poste MNS, douches, sanitaires, commerces…) à quelques dizaines de mètres en arrières pour diminuer leur vulnérabilité au recul du trait de côte.
Le projet de relocalisation des commerces du plan-plage à droit constant n’est pas possible. Car déconstruire préventivement puis reconstruire en arrière est considéré comme une nouvelle urbanisation, ce qui pose problème vis-à-vis notamment de certaines dispositions de la loi littoral. Le site de Labenne a permis de révéler que le problème n° 2 de la relocalisation est donc lié à la phase de réimplantation des biens et activités après leur déconstruction préventive.
Enseignements régionaux
L’étude de la faisabilité de la relocalisation en Aquitaine a permis de clarifier la terminologie en distinguant deux phases distinctes :
- la phase de suppression : évacuation des personnes et déconstruction préventive des biens menacés ;
- la phase de réimplantation : reconstruction de biens détruits ou reconstitution des tissus urbains sur le territoire.
Les deux principaux problèmes de la relocalisation en Aquitaine ont aussi pu être identifiés :
- l’impossible suppression, car on ne sait pas déconstruire préventivement de biens menacées par le recul du trait de côte notamment sur les littoraux sableux, sans outils et financements dédiés ;
- la difficile réimplantation, car dans certaines situations la reconstruction ne peut être autorisée en l’état actuel du droit.
L’important travail réalisé sur les trois sites a aussi permis d’identifier un manque dans la règlementation de l'aménagement du littoral et de la gestion des risques littoraux : on ne sait pas gérer le devenir des biens menacés par le recul du trait de côte dont la protection n’est pas possible ou souhaitable. En l’état actuel du droit français, l’article 33 de la loi du 16 septembre 1807 stipule que la responsabilité de la mise en place et du financement des protections incombe au propriétaire. Or la puissance publique peut l’interdire pour des motifs d’intérêt général. En l’absence d’obligation de protection par la puissance publique et de dispositifs d’appropriation publique (amiable ou expropriation), mais aussi d’indemnisation des dommages par les assurances, les propriétaires peuvent donc, sur les côtes sableuses françaises, perdre leur bien sans aucune compensation. Dans ce contexte, certains propriétaires peuvent être tentés de se défendre par eux-mêmes sans disposer des autorisations nécessaires.
Propositions du GIP Littoral
À l’issue de ce travail, dans une logique de contribution au débat national, notamment dans la perspective de la mise en œuvre de politiques publiques d’adaptation de la bande côtière aux risques et aux changements climatiques, le GIP Littoral porte plusieurs propositions :
- anticiper et clarifier les responsabilités dans la gestion des risques littoraux pour rendre possible la relocalisation et ne plus subir ;
- trouver un équilibre entre réduction des coûts publics et respect du droit de propriété, pour rendre possible la suppression par l’appropriation publique ;
- créer un droit de délaissement avec une décote annuelle, pour les secteurs sans protection et où l’anticipation est possible ;
- rendre possible l’expropriation de la nue-propriété, pour les secteurs où une protection temporaire est réalisée ;
- financer les mesures de gestion du risque de recul du trait de côte, trouver un équilibre entre solidarité nationale, locale et participation des propriétaires ;
- introduire la notion de transfert de l’urbanisation, à capacité d’accueil constante pour permettre la réimplantation des biens et activités nécessaires à l'économie des territoires littoraux.
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